lundi 2 mars 2015

2 mars 2015 : Mandalay et environs

Olivier a été malade toute la nuit. Il présente tous les symptômes d'une bonne gastro-entérite. Il a déclaré forfait ce matin. C'est par conséquent seul que j'ai effectué le circuit que nous avions prévu pour cette dernière journée en Birmanie. Pas de chance ! Mais, le bulletin de santé diffusé ce soir indique que le patient est sur la voie de la guérison.... Il m'a même accompagné au restaurant de l'hôtel pour dîner. Juste un étage à monter !

Les premières étapes du programme se situaient encore dans Mandalay intra-muros (avec quelques scènes insolites).



Le monastère Shwe In Bin passe pour un des sanctuaires les plus secrets de la ville. Il a été construit en bois, sur pilotis, en 1895, par deux riches marchands chinois (comme beaucoup de monastères). Il n'atteint pas la perfection de la Maison du Roi, mais il est tout de même superbe. Frontons, portes et fenêtres sont finement ciselés. Les grosses colonnes en teck ont belle allure. L'atmosphère est tamisée. J'ai eu la chance d'être seul au moment où je l'ai visité. Quelques peintures attribuées à Saya Saw sont de véritables bandes dessinées sur la vie sociale à Mandalay à la fin du XIXeme siècle (cohabitation des riches Birmans avec l'occupant anglais, représentation du roi Mindon, de son épouse et du futur roi Thibô...)






Changement total de décor et d'ambiance pour la seconde étape, le Jade Market ! C'est un monde étrange. Des centaines de motos stationnent devant. C'est le mode de transport de la très grande majorité des acteurs. Les allées grouillent de monde, des jeunes pour l'essentiel et uniquement des hommes. Des acheteurs potentiels sont assis à des tables et scrutent avec une petite lampe électrique les morceaux qui leur sont soumis. Des tractations se font directement dans les allées bondées au milieu desquelles trônent des... crachoirs à bétel. Pas très appétissant ! Des espaces de billards sont inattendus en ce lieu, mais pourquoi pas ?





En cours de route, nous avons vu plusieurs ateliers de sculpteurs de pierres. Toute la gamme des statues qui décorent habituellement des pagodes est représentée. Il est fréquent de voir des Bouddhas sans visage ! Cela fait partie de tous ces métiers qui profitent du statut de quasi capitale religieuse dont jouit Mandalay : travail de la pierre, du bois, fabrication des ombrelles (htis) de stûpas, tissage et fabrication des tenus de moines etc. A cet égard, le kit complet prévoit, outre les différentes composantes du sarong, un sac en toile de même couleur et parfois la serviette de table.


La troisième étape m'a mené à la pagode Mahamuni également appelée pagode de l'Arakan car elle abrite un Bouddha de 4 mètres de haut rapporté de Mrauk U, qui venait d'être conquis par les Birmans. La pagode initiale date de 1784, l'actuelle est une reconstruction après incendie assortie de tout le kitsch habituel. Si le visage, objet d'une toilette nocturne quotidienne qui attire, paraît-il les foules, est lisse et brillant, le corps est boursoufflé par les milliers de feuilles d'or collées (uniquement par des hommes). Les fidèles sont nombreux en fait à toute heure du jour et de la nuit. Un vaste bazar s'est développé aux portes du sanctuaire le plus vénéré de la ville, et vaut le coup d'œil.



En nous approchant de notre destination suivante, mon chauffeur a fait halte pour me permettre de voir d'abord un atelier de tissage, ensuite un autre où sont construites des marionnettes (dont une de taille humaine), sculptés des panneaux de bois et brodées en relief des tentures.





Amarapura, "la ville des Immortels", est une des villes royales (la troisième chronologiquement après Sagaing et Ava), au bord du fleuve, à environ 13 kilomètres au sud de Mandalay. Elle fut construite en 1782 par Bodowpaya. Son existence comme capitale fut épisodique (1782-1823 et 1841-1857). J'y ai fait une première visite peu avant 10 heures pour assister à ce qui n'est autre qu'une "attraction touristique" et a pour cadre le monastère de Barkaya (ou Bagaya). Édifié en 1782 et reconstruit après incendie en 1866, il ne présente guère d'intérêt sur le plan architectural, mais donne lieu à un rituel : le déjeuner des moines... en milieu de matinée. Arrivé suffisamment tôt, j'ai assisté aux derniers préparatifs : le riz est cuit dans des grands woks, les tables basses des moines sont dressées (on dispose à l'avance des bols contenant des fèves, des morceaux de poisson, du piment), ailleurs il y a une partie VIP avec des petites nappes blanches... A 10 heures 15 précises, des dizaines (centaines ?) de moines forment une procession pour aller déjeuner, une petite serviette sur le bras et leur récipient creux en main, défilent devant des dames très bon chic bon genre qui versent du riz dans le récipient et leur remettent quelques sucreries comme dessert, les moines entrent dans les salles à manger, déposent leurs aliments sur la table, sont obligés de réajuster leurs vêtements dans la configuration "assis en tailleur", s'assoient, attendent sagement, récitent collectivement un "bénédicité" et à 10 heures 30 entament leur "déjeuner" sous le regard des visiteurs agglutinés tout autour, appareils photos en batterie... L'ensemble est effectivement photogénique, mais je ne suis pas sûr que j'apprécierais de manger ainsi tous les jours sous le regard des curieux, comme une bête au zoo...







Je me suis d'autant moins attardé, après le début du repas, que la suite du programme était chargée. Le taxi m'a conduit à Sagaing, un peu plus loin qu'Amarapura vers le sud, à 20 km de Mandalay. Construite en 1315 par la dynastie Shan après la chute de Bagan en 1287, elle resta capitale jusqu'en 1364. C'est aujourd'hui une cité animée, accrochée à un ensemble de collines. Des pagodes souvent reliées par d'interminables passages couverts, des stûpas et des monastères ont fleuri un peu partout. Il n'est pas question de voir toutes les pagodes et même de se limiter aux principales. Un choix s'impose.

J'ai visité tout d'abord le temple Onh Min ("les Trente Grottes") où trente statues de Bouddha sont enchâssées dans une colonnade en forme de croissant.



La pagode Soon U Ponya Shin date du XIVème siècle et abrita, dit-on, deux reliques de dents de Bouddha. Elle a subi les vicissitudes du temps et des séismes. La dernière reconstruction date des années 1960/80 et se traduit sur le plan intérieur par une débauche de dorures et de carrelages. Une statue de lièvre et une autre de grenouille font l'objet d'une vénération particulière. Les fidèles les caressent et se caressent ensuite le visage ! Le site, sur la colline la plus haute de Sagaing, offre une superbe vue panoramique sur la ville et ses multiples édifices religieux.






A 8 km, la pagode Kaung Hmu Daw ou Rajamanicula, a une forme tout à fait originale. Les plus pudiques parlent d'hémisphère, les autres d'un sein de femme. Son dôme de 46 mètres, doré et brillant, est  impressionnant. Elle fut construite par le roi Thalun, en 1636, sur le modèle de la pagode Mahacedi du Sri Lanka, en commémoration du « re-avènement » d’Ava (Inwa) en tant que capitale. Elle est vénérée par beaucoup, car elle abrite une relique de dent de Bouddha, ramenée du Sri Lanka. Elle accueille une galerie marchande circulaire et ombragée, très fréquentée, notamment par les femmes à la recherche des ingrédients pour leur maquillage (le fameux thanaka) car de nombreux points de vente en proposent. J'étais seul étranger à me promener parmi cette foule, tandis que des litanies monotones étaient diffusées par haut-parleur.






Le taxi m'a ensuite déposé au bord d'un cours d'eau, à hauteur d'un embarcadère. Là, une barque fait la navette en cinq minutes entre les deux rives de la rivière Myitnge. Plusieurs dizaines de calèches attendent les visiteurs pour leur faire visiter les rares témoignages du glorieux passé d'Ava/Inwa comme capitale royale, bâtie au confluent de l'Ayeyarwady et de la Myitnge. Ils sont disséminés dans une campagne verdoyante où alternent rizières et bananeraies. 

Les souverains déplaçaient la capitale, souvent sur les conseils des brahmanes et pour échapper aux maléfices liés à leur ancienne résidence.  La capitale fut fondée sous le nom d'Ava par Bagyidaw, successeur de Bodowpaya, qui régna de 1819 à 1837. Les palais furent ensuite démontés (les piliers de teck serviront à la construction du pont d'Amarapura cf. ci-dessous).

J'ai fait calèche commune avec un couple de Français, Soum et Fabienne. De l'ancien palais royal subsiste essentiellement une tour de guet de 90 mètres, ébranlée par le séisme de 1838, le Nanmyin.


Brinquebalés de gauche à droite au gré des chaos des chemins de terre, nous avons vu un premier ensemble de stûpas qui m'a rappelé certains coins de Bagan, puis le monastère de Bagaya, construit par Bagyidaw en 1838. Construit en bois (57 m sur 31!), il repose sur 267 énormes troncs en teck (le nombre reflète l'importance relative de la ville). Il a miraculeusement été préservé.








Nous avons terminé notre survol d'Inwa par une rapide visite du monastère (khaung) de Maha Aung Mye Bon Zan. Il fut préservé du démontage et des avanies du temps car il avait été construit en dur (des pierres ocres) en 1822, par la première épouse de Bagyidaw. Il comprend des escaliers monumentaux, des terrasses avec balustrades sculptées et stuc (le paon et le lièvre symbolisent le soleil et la lune !) et un plancher tout en teck. L'intérieur complètement vide avec des corridors concentriques donne l'impression d'un palais fantôme.



Après avoir repris la petite navette fluviale, j'ai retrouvé le taxi vers 15 heures 45 et nous sommes retournés à Amarapura pour achever la journée au pont U Bein. Il enjambe le lac Taungthaman et mesure 1,2 km. Il est le plus grand pont de teck au monde. Il porte le nom du maire d'Amarapura qui, vers la fin du XVIIIème siècle, fit construire cet ouvrage à partir des piliers laissés à l'abandon dans l'ancienne capitale Inwa. Je suis arrivé avant le flot des touristes, birmans et étrangers confondus, qui aiment y flâner au coucher du soleil. Le pont est jalonné de petites aires de repos couvertes, souvent squattées par des marchands de souvenirs, de tee-shirts, de chapeaux de paille ou de boissons. J'ai fait l'aller-retour d'un pas lent en raison certes de la fatigue au terme d'une journée chargée, mais aussi du plaisir de goûter le spectacle de quelques barques naviguant sans but, d'enfants pêchant les pieds dans l'eau tant le lac est peu profond à certains endroits, de baigneurs faisant la toilette du soir sans quitter leur jean ou leur longyi ! Je n'ai pas voulu tomber dans le piège à touristes qui consiste à louer une barque pour assister au coucher de soleil : elles font des ronds dans l'eau dans un espace de 400 mètres sur 200 pendant quelques minutes, puis s'alignent pour voir le soleil décliner lentement entre les piles du pont ! J'ai préféré m'attabler au bord de l'eau en sirotant un jus de fruit au calme, regrettant qu'Olivier ne puisse partager avec moi ce dernier coucher de soleil en Birmanie.









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