jeudi 26 février 2015

25 février 2015 : Nyaung Shwe (lac Inle)

Chaque jour, nous mesurons la diversité de la Birmanie. La journée d'aujourd'hui a encore été riche en découvertes... Nous avons renoué avec les réveils et les départs matinaux. En fait, ce n'est pas très difficile car nous avons adopté un rythme proche du rythme solaire. 

Un tuk-tuk nous a conduits, ce matin, à 7 heures 30, après le petit-déjeuner, à un "embarcadère" en ville. Une pirogue à moteur nous y attendait pour nous faire découvrir le lac Inle ("le lac des quatre villages"), le deuxième plus grand lac du pays après le lac Indawgyi. Situé à 885 mètres d'altitude, il mesure environ 20 km de long sur 8 à 10 de large, mais sa profondeur ne dépasse jamais 5 à 6 mètres (et encore, est-ce pendant la saison des pluies !). 

Il est habité par les Inthas ("les fils du lac"), une ethnie qui a migré il y a plusieurs siècles depuis le sud de la Birmanie. Arrivés à un moment où toutes les terres agricoles et la montagne étaient déjà occupées, ils ont bâti leurs villages sur le lac sur pilotis et ont développé une civilisation lacustre des plus originales. Ils pratiquent notamment, en plus de la pèche, l'agriculture sous forme de jardins et de champs flottants (on peut parler d'aquaculture). Ils excellent dans la production de primeurs (notamment tomates et aubergines).

Il était 7 heures 45 quand notre pirogue s'est frayé un passage parmi la dizaine d'autres agglutinées dans le petit bras d'eau enserré entre les maisons, et a gagné le chenal aux eaux chargées d'alluvions et de déchets, d'environ 4 km qui relie Nyaung Shwe au lac lui-même. Le trafic fluvial était déjà très dense. Beaucoup de pirogues à moteur, toutes sur le même modèle (longue, la proue nettement au-dessus de l'eau), rejoignaient comme nous le lac.



Au débouché du canal, quelques pêcheurs Inthas prenaient des poses avec leur nasse conique très photogénique qui est devenu l'icône du lac Inle, au passage des pirogues de touristes avec l'espoir d'un pourboire. Nous les avons snobés, car leur jeu était vraiment trop artificiel et nous aurons tout loisir tout au long de la journée d'observer d'authentiques pêcheurs ramant debout à l'aide d'une jambe et n'utilisant d'ailleurs pas la nasse conique qui semble peu utilisée de nos jours...

On est frappé en gagnant le lac par plusieurs choses. D'abord, l'activité qui y règne. Outre les barques de pèche, des dizaines et des dizaines de pirogues à moteur font du cabotage ou du transport de personnes en soulevant d'impressionnantes gerbes d'eau. Le lac Inle et ses canaux constitueraient un cadre idéal pour un film d'action, type James Bond, avec poursuites de bateaux. Ensuite, les oiseaux. Le lac Inle est un paradis pour eux, une véritable réserve ornithologique. Enfin, la prolifération des algues et des jacinthes d'eau. Certes, elles sont utiles pour la confection de la base des jardins flottants, mais elles envahissent tout (forte eutrophisation) et constituent une menace à terme pour l'écosystème du lac. Le phénomène s'explique en partie par le déboisement des montagnes environnantes et le supplément d'alluvions qu'il génère. Le développement hôtelier n'arrange rien. A cet égard, ce sont en général de belles constructions sur pilotis, mais qui présentent le double inconvénient d'être exposées au bruit des pirogues et d'être coupées de la ville (pas question, le soir, pour les clients de "se faire un petit resto en ville", ils sont captifs).



Plus d'une heure et demie de navigation, cap plein Sud, nous ont permis d'atteindre Thaung Tho, une localité où se tenait un marché pittoresque, un lieu privilégié de rencontres et d'échanges entre les ethnies des montagnes et les Intha du lac. Les premiers apportent essentiellement sur des chariots tirés par des buffles du bois débité en bûchettes et des bambous, des fruits et d'excellentes galettes de riz, les autres vendent primeurs, tissus, galettes de riz et autres snacks... Des artisans forgerons travaillent sur place de façon très rudimentaire et vendent serpettes, couteaux et casse-noix. J'ai ainsi acheté deux objets. Des coiffeurs officient sur place. Quant aux boutiques de souvenirs, elles sont légion, proposant aux touristes statuettes, bijoux et autres babioles.

    L'arrivée au marché





    Un salon de coiffure ambulant où les tondeuses fonctionnent sur batteries...











Au bout d'une heure, nous avons rebroussé chemin, puis, à hauteur de Ywama (prononcer Jouama), nous avons remonté un long chenal jalonné de petites "écluses", en fait des rétrécissements laissant tout juste le passage à une seule pirogue, mais constituant à chaque fois une "chute d'eau" d'une vingtaine de centimètres, suffisante pour permettre la navigation des pirogues. Nous avons fini par atteindre un lieu qui défie l'imagination. In Dein est un village d'où part un "interminable" passage couvert (il doit mesurer 600 mètres), occupé par des étals de souvenirs. Il mène à la pagode Shwe Inn Tain. De part et d'autre, s'étend un vaste terrain parsemé de ruines de stûpas du XVIIeme siècle, noyés dans la végétation. On se croirait projeté dans le temps, au cœur d'une civilisation disparue. Le sanctuaire lui-même est entouré d'une nouvelle génération de stûpas dorés à souhait.











Nous avons déjeuné au Golden Moon, un restaurant de Ywama. Sa terrasse donne d'un côté sur un ensemble de pagodons dorés, de l'autre sur le canal où les pirogues vont et viennent en permanence.



  

Après déjeuner, nous avons visité une nouvelle pagode, Phaung-Daw U, la plus vénérée en pays Shan et la plus fréquentée des quelque 150 édifices religieux qui parsèment le lac et ses environs. Construite elle aussi sur pilotis, elle date du XIIème siècle. Elle a l'aspect clinquant des pagodes classiques où les dorures se multiplient tous azimuts. Tout y est : les fidèles qui déposent leurs offrandes et prient au milieu de l'agitation, les innombrables urnes transparentes destinées à recueillir des billets de banque même crasseux (ce qui est généralement le cas au Myanmar), des étals de souvenirs, des petites cantines et un distributeur automatique de billets (des fois que les visiteurs n'aient plus d'argent liquide pour mettre dans les tires-lires !). Le grand autel central est richement ornementé. Il abrite les statues de cinq petits bouddhas, qui ressemblent aujourd'hui plutôt à des champignons ou à des religieuses (les pâtisseries !) tellement ils ont été couverts de feuilles d'or par les fidèles au fil des ans. A côté de la pagode, un hangar ouvert sur pilotis abrite la fameuse barge royale qui sort lors des grandes fêtes d'octobre (où le statues évoquées ci-dessus sont promenées de village en village et une plus petite embarcation.








Nous avons ensuite eu un peu de mal pour voir un véritable "chantier naval". Nous avons fini par visiter un authentique atelier de fabrique de pirogues à Nam Pan. Tout est fait main ! Il faut compter une semaine pour assembler une petite pirogue pour un coût de 700 dollars et un mois pour faire une grande pirogue traditionnelle en teck, vendue entre 3000 et 4000 dollars. Dans la foulée, nous avons pu voir une petite fabrique de cheerot Minshwesint, ces petits cigares roulés à la main par des femmes à une vitesse impressionnante, et un atelier de tissage de la fibre de lotus à Inn Paw Khone. Cette fibre permet de produire des textiles très originaux (au contact intermédiaire entre le lin et la soie sauvage). 
La dextérité des femmes qui brisent la tige de lotus pour en extraire la fine fibre, est étonnante. Mais en la voyant à l'œuvre, on comprend mieux le coût élevé des pièces de tissus et des vêtements tissés en fibre de lotus. Les femmes souvent âgées qui travaillent sur les métiers à tisser sont émouvantes.


    Le résultat final



    La fibre de Lotus




Nous avons passé un bon moment sur les canaux qui traversent les fameux jardins flottants découpés en bandes, où poussent actuellement des quantités de tomates et de cucurbitacées. Des blocs de végétaux (jacinthes sauvages) sont immobilisés avec de longues perches fixées au fond du lac qui n.est pas la es profond. Du limon est ensuite étalé a la surface de ces blocs et il se forme ainsi à la surface de l'eau des couche de "terre flottante". Ces jardins ne sont généralement entretenus que depuis les embarcations qui circulent entre les bandes. Olivier a pu "débarquer" sur une de ces bandes flottantes et a eu l'impression étrange de marcher sur un matelas pneumatique spongieux.










Nous avons terminé notre circuit par un arrêt au monastère de Nga Phe Chaung, construit sur pilotis, il y a plus de 250 ans. Sans l'avoir fait exprès, nous avons assisté au coucher de soleil, alors que nous étions au milieu du lac Inle, sur le chemin du retour et que les derniers pêcheurs remontaient leurs filets.




    En méditation avec son... smartphone !


Nous avons dîné chez Indra, un petit restaurant indien. Le poulet tandoori nous a changés de la nourriture birmane. Nous n'avons pas pour autant échappé au riz !  

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