vendredi 27 février 2015

26 février 2015 : Nyaung Shwe (excursion à Kakku)

Après avoir vu le lac Inle et nous être intéressés aux Inthas hier, nous avons poussé une reconnaissance dans la montagne et avons découvert l'ethnie Pa-O. Une voiture de location avec chauffeur (incontournable au Myanmar) est venue nous prendre à 8 heures passées et nous a d'abord conduits jusqu'à Taunggyi (200 000 habitants), la capitale de l'Etat Shan, située à 1 500 mètres d'altitude et à une trentaine de kilomètres de Nyaung Shwe. La ville s'étire tout au long d'une rue principale qui épouse le relief montagneux. Elle était connue jadis pour être un marché important des rubis. Elle est aujourd'hui une cité commerçante et administrative. Nous avons commencé par récupérer, dans un service officiel, notre guide Pa-O (là encore par obligation), mais San (21 ans) s'est avérée charmante et de compagnie très agréable (tout comme le chauffeur d'ailleurs).


Nous avons eu la chance de tomber sur le jour de "grand marché" (tous les cinq jours) à Taunggyi et sur un (ancien?) professeur de français, U Shwe Yo, qui parle remarquablement notre langue et n'est jamais venu en France. Un rêve inaccessible pour lui ! Nous avons passé près d'une heure, dans une ambiance grouillante, à observer les gens, à découvrir des produits que l'on ne trouve guère dans nos marchés (jacquiers, piments, moutarde qui est ici une salade etc), à regarder les vendeuses à l'œuvre. Elles sont assises à même le sol au milieu de leurs fruits et légumes, de leurs épices ou de leurs graines, souvent soigneusement présentés sur des feuilles de bananiers, devant des balances d'un autre âge. Il y a aussi pas mal de marchandes de fleurs. Les acheteuses sont tout aussi pittoresques. La saison de la pastèque de Mandalay bat son plein. On en voit des tas, partout. On vend différentes huiles de table en vrac en puisant dans de grands fûts. Des petites cantines sont improvisées au milieux des étals. Tout cela se passe dans une agitation indescriptible, mais sans cris inutiles. L'atmosphère est bon enfant.






    Feuilles de moutarde

    Vente d'huile alimentaire en vrac

    Aubergines 1

    Aubergines 2

    Aubergines 3 

    Aubergines 4 (
et il y en a encore beaucoup d'autres variétés...)

    Poissons du lac Inle

 
    Fleurs de bananier (délicieux une fois cuites...)    

    Vendeuse de sucettes (tranches de canne à sucre sur un pic)



    L'ancien professeur de français 

Nous avons repris la route vers 10 heures 30, traversé une région de prédilection pour la culture de l'ail, dont les Birmans sont des grands consommateurs. Elle exige des soins attentifs. Dans les champs, des paysannes arrosent inlassablement les plans, en puisant l'eau qui stagnent dans les sillons au moyen de larges pelles en bambou et en la jetant sur les tiges vertes. 

    L'arrosage de champs d'ail


On voit également des vergers d'avocatiers. Une vingtaine de villages a jalonné notre itinéraire. Nous sommes arrivés peu avant midi à Kakku, à 45 kilomètres de Taunggyi et 75 de Nyaung Shwe. Kakku passe pour être un centre religieux majeur pour les Pa-O.

Selon une légende, un chaman aurait été séduit par une femme, qui n'était autre qu'un dragon ayant pris forme humaine. S'apercevant de sa méprise au petit matin, il s'enfuit, mais la femme-dragon était enceinte. Elle confia son œuf à un moine qui finit par l'ouvrir, ne trouva rien à l'intérieur et effrita la coquille. Chaque morceau donna naissance à un Pa-O ! La majorité d'entre eux vit dans l'Etat Shan. Des différends avec l'Etat central ont donné lieu à des troubles, il y a une vingtaine d'années. Un accord est intervenu au début des années 1990. La Constitution de 2008 a consacré le principe d'une zone auto-administrée pour les Pa-O. Le nom officiel date d'un décret du 20 août 2010. Notre guide est justement une employée de ce gouvernement local.

Le site en lui-même est aussi surprenant qu'In Dein hier, mais en même temps très différent : 2500 stupas sur un quadrilatère de 200 mètres sur 70. On croirait en arrivant voir une armée en ordre de bataille ! Le site était encore il y a peu à l'abandon, livré à la végétation et au délabrement. Un travail de réhabilitation a été entrepris au début des années 2000, financé par des donateurs en quête "d'indulgences". Restaurer un stûpa est bon, paraît-il, pour son karma !

Il faut se laisser porter par ses pas (pieds nus bien sûr), fureter entre les stûpas aux tons blanc, crème ou rosé, pour découvrir des petits chefs d'œuvre, des statuettes de Bouddha ou de "nats". Notre guide nous a appris à repérer les stûpas de style monastique (sans pointe) et à distinguer les ombrelles (htis) de style birman, Shan ou Pa-O. Le sanctuaire honore des répliques de reliques, qui deviennent elles-mêmes des reliques pour avoir été en contact avec les originales ! A signaler une statue d'éléphant blanc ailé, d'un sanglier (vénéré pour avoir, selon une énième légende, contribué à la découverte de la pagode originelle enfouie), de deux chevaux (une légende indienne rapporte que c'est en caressant la queue d'un cheval qu'on peut trouver son partenaire...), ainsi que celle d'un "oiseau mythique" au sommet d'une sorte de totem. L'oiseau évoque la mort. Le site a été ouvert aux touristes en 2000, puis de nouveau interdit en raison de nouveaux troubles dans l'Etat Shan et réouvert depuis seulement deux ou trois ans !












Nous avons déjeuné en face de ce site fascinant, au restaurant Hlaing Koon, tenu par de jeunes Pa-O très souriants (menu assez typique à base de "salades" cuites de gingembre, d'aubergines et de feuilles de moutarde, et de deux curries, l'un d'aulx, l'autre de soja). Un nourriture très saine !


En repartant vers 14 heures, notre guide nous a fait visiter un village Pa-O, Wan Ya. Nous avons été frappés par la qualité de l' "urbanisme" (blocs d'habitations bien délimités, tracé net des chemins) et leur propreté. Nous avons été accueillis dans une maison par une ailleule (72 ans) en l'absence de la famille qui passe la journée aux champs. Elle nous a offert le thé et montré l'intérieur où elle vit avec son fils, sa bru et leurs deux fils de 14 et 10 ans. La maison sur pilotis est tout en bois. Il y a très peu de fenêtres, mais l'intérieur n'est pas sombre, tant les interstices entre les planches des murs sont larges. Elle se compose d'un grand séjour, d'une pièce avec un feu çentral qui sert de cuisine-salle à manger et qui donne sur une pièce qui nous a semblé petite, la chambre où toute la famille dort, toutes générations confondues. Le mobilier est limité au strict minimum : une armoire en bois, des coffres pour l'essentiel. La maison dispose d'un puits. Le village a l'électricité, mais toutes les maisons ne l'ont pas, car le simple raccordement au réseau coûte 100 000 kyats (!). La consommation est acquittée mensuellement. 

    Un village très propre et bien aménagé




Au cours de la visite, nous avons interrogé notre guide sur les cimetières, lui expliquant que nous étions étonnés de ne pas en voir depuis notre arrivée. Nous avons compris que nous n'en verrons sans doute aucun. Les défunts sont en général enterrés le lendemain de leur décès, le temps de creuser un trou, dans un espace prévu à cet effet à l'écart du village. La sépulture est sans pierre et ne porte aucune inscription. Le lieu est un peu tabou et personne n'y va jamais. Il n'y a pas de "jour des morts". Il n'est pas d'usage d'exprimer son chagrin (on est à l'opposé des coutumes où il est fait appel à des pleureuses !).

La fête des Pa-O a lieu en mars. Les habitants de tous les villages mettent leurs plus beaux costumes traditionnels, des bougies illuminent les pagodes, des représentations théâtrales et musicales ont lieu. Les villages traversés étaient déjà abondamment pavoisés aux couleurs Pa-O à l'approche de la fête.

Il était trop tard pour nous arrêter au musée de Taunggyi qui conservent notamment des anciennes balances à opium et des costumes traditionnels. En revanche, nous avons fait étape au domaine Aythaya, un autre domaine viticole, légèrement antérieur au domaine Red Mountain, puisqu'il a été créé en 1999 par un Allemand. Il est situé à 1300 mètres d'altitude et profite d'un sol calcaire. Nous avons dégusté quatre crus (un Sauvignon blanc 2013 honnête, une vendange tardive qui n'avait rien d'une... vendange tardive telle que nous la concevons, un rosé 2014 Shiraz qui se défend et un rouge 2014 correct !).


    La vigne et le bananier...

Nous étions de retour à l'hôtel vers 17 h 45. Une petite digression pour constater que parcourir 150 kilomètres en Birmanie, c'est déjà en soi une petite expédition ! Il ne faut pas évaluer le temps de parcours comme on le ferait chez nous. Il faut souvent plus que doubler l'estimation... 

Une autre  observation au passage : dans ce pays où la circulation est à droite et où la plupart des volants des véhicules particuliers sont restés aussi à droite, mettre son clignotant à droite est une recommandation au véhicule qui suit de ne pas dépasser car un véhicule arrive en face, le mettre à gauche indique que le champ est libre !!!

Nous avons franchi en tout quatre péages. Notre conducteur nous a indiqué que les sommes collectées étaient destinées à l'entretien par les concessionnaires des routes considérées. Il y a un barème complexe en fonction du nombre d'essieux (deux, trois, quatre voire plus). Il n'y a bien sûr aucun reçu délivré en échange du paiement...

Toujours prévenantes, nos hôtesses nous ont apportées à notre retour des tranches de pastèque, appréciées au terme de notre petit périple. Nous avons dîné dans un restaurant thaï à deux kilomètres de l'hôtel. Bicyclettes et lampes frontales étaient obligeamment prêtées par nos hôtesses ! 

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