dimanche 8 février 2015

7 février 2015 : Rangoon - Kyaiktiyo (Rocher d'Or)

Samedi 7 février 2015

Le réveil a, de nouveau, été matinal (6 heures) pour être en mesure de quitter l'hôtel, petit-déjeuner pris, trois quarts d'heure plus tard, d'attraper un taxi (ce n'est jamais un problème à Rangoon) et d'être à la gare centrale pour prendre un train partant à 7 heures 15 précises, à destination de Kyaikto, dans l'Etat Mon, au nord-est de Rangoon, de l'autre côté du golfe de Moattama. Nous avons pu constater que les trains partaient à l'heure. Pour le reste, voyager en train est une expérience à ne pas manquer. Les rames ne sont plus de la première jeunesse (volets métalliques rouillés, plancher et sièges usés, éclairage sommaire). Les sièges sont en bois en "classe économique" et légèrement rembourrés en "classe affaires", mais souvent défoncés. Nous avions opté pour la "classe économique", non pour épargner quelques centimes, mais pour que l'expérience soit complète et au plus proche de la population.




Le train a mis tout juste cinq heures (!) pour parcourir les 160 kilomètres entre Rangoon et Kyaikto en passant notamment par Bago, Kali, Waw, Makeplain et Boyagyi. À vitesse réduite, cela va encore, mais dès que le train prend un peu de vitesse (toute relative au demeurant), les passagers sont livrés à un véritable rodéo sur les sièges en bois. J'avais l'impression d'être reporté plus de soixante ans en arrière, quand ma grand-mère me prenait à califourchon sur ses genoux et qu'on jouait à "trotte bidet". Dans ces conditions, on ne reste pas longtemps sur le marchepied, la porte ouverte, pour voir le paysage défiler et il n'est pas non plus évident de prendre des photos même assis, voire de lire, sauf à courir le risque d'avoir, à la longue, le mal de mer.


Le spectacle est permanent. Dans les gares, un tas de petits commerces squattent les quais. Le passage d'un train est une aubaine pour le petit commerce local. Dans le train, c'est un va-et-vient incessant de vendeuses à la sauvette qui proposent des plats cuisinés aux voyageurs ou des babioles. Compte tenu des secousses, je suis admiratif de leur sens de l'équilibre, car bien souvent, comme les Maliennes, elles portent leur charge sur la tête. Et puis, il y a le paysage à découvrir à travers les fenêtres sans vitre. L'habitat aperçu est souvent très pauvre. Les immondices qui jonchent le sol, sont un autre point commun avec le Mali. Le terrain est d'une platitude néerlandaise. On aperçoit ici ou là des paysans et des paysannes qui travaillent, cassés en deux, champs et rizières.



    Le nom des gares




L'expérience ne s'est pas arrêtée avec la descente du train. Pour nous rapprocher de notre destination finale, nous avons emprunté un premier véhicule, un "pickup" hybride de la camionnette et du bus qui, en vingt minutes, nous a déposés dans la localité de Kinpun. Nous avions choisi, comme une dizaine d'autres passagers, de faire le trajet... juchés sur le toit au milieu des sacs de voyage, histoire de dominer la situation et d'être au grand air ! Il faut aussi dire qu'en dessous les passagers sont comprimés comme des anchois dans une boîte.

    Sur le toit de notre "pickup"


Comme il était près d'une heure de l'après-midi, lorsque nous avons débarqué à Kinpun et que les estomacs commençaient à crier famine, nous avons fait une pause déjeuner dans le premier troquet venu et pris notre premier repas authentiquement birman, à base de salades (cuites) de feuilles de thé et cacahuètes d'une part, de gingembre agrémenté d'épices d'autre part, et de morceaux de poulet au curry accompagné de riz blanc.


Restait un dernier tronçon à parcourir pour atteindre notre objectif, le mont Kyaiktiyo. Ce sont cette fois de véritables camions spécialement aménagés avec des rangées de sièges métalliques, qui montent les visiteurs par une route en lacets prononcés et au milieu d'une végétation dense. Ils n'ont pas de bâche. Les passagers (50 par camion) sont serrés comme des sardines et brinquebalés de gauche à droite comme dans une attraction foraine. Le trajet dure environ... cinquante minutes ! A l'arrivée, les genoux un peu meurtris par le siège précédent (du moins les plus grands !), les visiteurs chargés de sacs de voyage sont pris d'assaut par des véritables coolies prêts, pour un prix modique, à les escorter jusqu'à leur hôtel en portant leurs sacs sur leur dos, dans de grands paniers en osier effilés vers le bas. Nous avons profité de l'aubaine... Les personnes âgées ou handicapées peuvent être transportées dans des chaises à porteurs. Le prix est fonction... du poids ! Nous n'en sommes pas là...



Il était 14 heures 30 quand nous nous sommes installés au Moutain Top Hôtel, un établissement plutôt haut de gamme, qui se dresse à 1 100 mètres d'altitude, à quelques centaines de mètres de l'entrée de la pagode Kyaiktiyo, connue sous le nom de la pagode au Rocher d'or. Fatigués par le voyage, nous avons repris des forces au frais avant d'entreprendre la visite de la célèbre pagode, un des hauts-lieux du bouddhisme birman.


L'endroit est surtout célèbre par le rocher qui tient miraculeusement en équilibre sur un autre et est couffé d'un petit stûpa.  Il a été recouvert au fil des ans de fines feuilles d'or apposées par les pélerins mâles (les femmes n'ont pas ce droit...  La misogynie du bouddhisme birman est surprenante d'autant qu'elle est assez isolée dans le monde bouddhiste). 

Les origines du site vieux de 2 500 ans, sont controversées. "Selon certains, le sanctuaire aurait été construit du vivant de Bouddha, sur un de ses cheveux. L’ermite qui le recueillit, aurait gardé le cheveu mêlé aux siens propres jusqu’à ce qu’il trouve un endroit adéquat pour le conserver : un rocher en forme de tête. D’autres prétendent que le rocher, élevé de la mer par des anges, ne tient en équilibre au bord du vide que grâce au cheveu enchâssé dans le pagodon qui le coiffe". 





Nous avons d'abord assisté au déclin du jour et sommes retournés après dîner pour revoir le site de nuit. L'atmosphère qui règne sur place est un mélange de ferveur et de convivialité. Beaucoup de gens déposent des offrandes sur les nombreux emplacements qui s'y prêtent, brûlent des cierges et prient individuellement un peu partout. Nous n'avons pas manqué de nous joindre aux pèlerins qui appliquaient des feuilles d'or sur le monolithe, en ayant une pensée particulière pour Elisabeth Ozouf, qui nous les avait données avant notre départ, un solde de son dernier voyage... Sans doute, n'a-t-elle pas pu les apposer elle-même car les femmes n'ont le droit ni de toucher le rocher, ni même de s'en approcher.


   Les pélerins peuvent honorer leurs morts dans une reconstitution de scène de deuil...

Les Birmans, seuls autorisés à passer la nuit sur la terrasse, s'y installent de jour en étalant des nattes sur le sol et en tendant des couvertures plus bariolées les unes que les autres, pour se protéger du soleil. Ils se rassemblent par famille ou par groupe, déambulent, bavardent et mangent et, la nuit, s'enveloppent dans les couvertures pour dormir à la belle étoile. La terrasse est ainsi transformée en un vaste campement de fortune très coloré. Nous avons assisté au repas servi à partir de 16 heures 30, sur des feuilles de bananiers posées à même le sol. Chacun peut y participer, assis en tailleur. L' atmosphère est toujours bon enfant. Plus surprenant, une tombola était organisée ce soir, mobilisant une foule nombreuse et enthousiaste...

    Les femmes doivent se contenter de prier à la périphérie !






    Le repas offert aux pélerins



    Bonnets, couvertures, tout est prêt pour une nuit en plein air...


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