samedi 28 février 2015

28 février 2015 : Nyang Shwe - Mandalay

Nous avons quitté notre hôtel (dont le personnel est exclusivement féminin) peu après 10 heures, à regret car le service a réellement été impeccable, et rejoint en taxi l'aéroport de Heho en cinquante minutes. Les formalités de départ (enregistrement, immigration, sécurité) ont, une fois de plus, été très rapides et nous avons embarqué à l'heure dite pour un décollage à midi et demi, à bord de notre vol Asian Wings (une jeune compagnie, puisqu'elle a été fondée en 2011 et n'a que trois ATR 72/500 affectés à des liaisons intérieures !). Destination : Mandalay, dernière étape de notre périple au Myanmar !

Située à 650 km au nord de Yangon dans un vaste méandre de l'Irrawady, Mandalay est la deuxième ville du Myanmar par l'importance de sa population (l'agglomération compte environ 2,5 millions d'habitants). C'est à la fois la dernière capitale royale birmane (ce sont les Britanniques qui ont établi la capitale à Rangoon), la ville emblématique de la foi bouddhique avec ses 150 monastères et ses 70 000 (?) moines et nonnes, et un pôle économique majeur au cœur d'une riche région agricole, qui connaît un regain de prospérité depuis la réouverture de la route vers le Yunnan et la Chine. La ville compte 30 à 40 pour 100 de Chinois. Partout en ville, on entend parler mandarin et les produits chinois sont omniprésents.

Mandalay fut fondée par le roi réformateur (ce qui ne l'a pas mis à l'abri d'un certain obscurantisme cruel), Mindon, qui régna de 1852 à 1878. Il entendait respecter en cela une prédiction de Bouddha qui avait déclaré qu'une ville serait érigée 2 400 ans après sa mort au pied du mont Mandalay ! La nouvelle capitale était à... 8 km de l'ancienne, Amarapura (imposant à l'époque le transfert de 100 000 personnes) ! Plus sordide, le roi fit enterrer vives, sous des tonnes de pierres et de briques, cinquante personnes lors de la construction de son palais, "afin que les âmes mortes apportent leur protection au lieu". Peine perdue apparemment, puisque le palais fut entièrement détruit lors d'un bombardement pendant la Seconde Guerre mondiale. Il n'en subsiste que les remparts et les fossés, bien conservés.

Côté barbarie, son fils n'a pas été en reste. Accédant au trône à la mort de son père, Thibô fit place nette en faisant assassiner 72 membres de sa famille (enfermés dans des sacs de velours rouge pour qu'on ne voit pas le sang, et battus à mort). Il régna jusqu'à l'annexion totale du pays par les Anglais en 1885 et mourut de sa belle mort, en exil en Inde.

Notre vol n'a duré que 30 minutes. À l'arrivée, pas de formalité d'immigration, mais un contrôle aux rayons X de tous les bagages. Pure formalité apparemment, au moins quand on n'a pas dans ses bagages une Kalashnikov... En sortant de l'aéroport ("international" : finis les petits aéroports de province !), nous avons été saisis par la chaleur. Nous n'y étions plus habitués. Un taxi nous a déposés en quarante-cinq minutes, à l'hôtel, le Bagan King, un établissement tout neuf (il a ouvert en octobre 2014, à l'angle de la 73ème et de la 28eme rue), aménagé avec goût et un grand sens du détail.

Vu l'heure (14 heures), nous avons commencé par déjeuner et avons porté notre choix sur un restaurant végétarien, Marie Min, tenu par des chrétiens, descendants d'immigrés du Sri Lanka. Une cuisine excellente ! Nous n'avions jamais mangé une salade de gingembre aussi succulente (elle mêle du gingembre râpé, des copeaux d'ail légèrement frit, des petits morceaux de tomate verte, des lentilles jaunes, des fèves coupées en deux et des cacahuètes). On nous a servi aussi un très bon curry de tofu et de légumes au lait de coco, des aubergines cuites à l'étouffée, le tout accompagné de deux chapatis (pains indiens) et de riz blanc.



Après ces agapes, nous avons loué deux vélos pour l'après-midi. Premier gag : ils étaient sous-gonflés. Nous avons demandé à ce qu'ils soient gonflés, mais le loueur prit alors un air surpris : il n'avait pas de pompe ! Emportés, les vélos nous ont été remis gonflés, dix minutes plus tard. Deuxième gag : mon vieux clou s'est montré très facétieux. La chaîne s'est coincée trois fois en trois heures. Nous avons pu apprécier la serviabilité des Birmans la première fois, qui se sont portés immédiatement à notre aide. La deuxième fois, Olivier a effectué la réparation lui-même. Quant à la troisième fois, c'était arrivé non loin du magasin de location, j'ai pu rentrer en me servant du vélo comme d'une trottinette afin de prendre le loueur à témoin de la qualité du matériel (nous avons été remboursés finalement). Cette anecdote est révélatrice d'un comportement que nous avions déjà observé : on loue ici pour retirer un profit, mais on ne se soucie nullement d'entretenir le matériel, la chaîne n'avait visiblement jamais été huilée... 

Nous avons commencé par aller voir un atelier de fabrication de feuilles d'or (et au-delà, d'objets recouverts de feuilles d'or : feuilles de bétel, statuettes, petites boîtes), appelé King Galon. C'est un travail étonnant qui exige endurance et méthode. Il est épuisant pour les batteurs d'or, des hommes qui, pendant de longues minutes, voire des heures durant, frappent pour aplatir les feuilles d'or. A l'aide d'un lourd marteau en bois, ils frappent sur une pile de papier de bambou enveloppée dans du daim et se relayent. Cette pile contient les feuilles d'or. En s'étalant sous l'effet des coups, elles acquièrent la légèreté d'une plume (on commence par aplatir un petit morceau d'or à l'état brut ; on en augmente la taille en le frappant pendant trente minutes ; on le découpe en six pièces mises en tas et frappées de nouveau trente minutes ; après une nouvelle découpe, la troisième frappe doit durer... cinq heures ; alors seulement, on place la très fine feuille d'or sur le petit carré de papier fait à partir du bambou, préalablement formaté). Le martèlement régulier n'est pas sans rappeler le son d'un métronome. Ensuite, avec minutie, les femmes assemblent les feuilles d'or et leur support, un bout de papier fait à partir du bambou.




    Le contrôle des feuilles en fibres de bambou, entre lesquelles l'or est écrasé.

    L'étape finale de la confection des petits lots de feuilles d'or dont les Birmans font grand usage...

    Confection de "feuilles" d'or (vraies feuilles recouvertes d'or)


Un malin hasard nous ont fait passer par une rue de pâtissiers-confiseurs. Nous n'avons pas pu résister bien longtemps...





Nous avons ensuite suivi un circuit proposé dans un guide touristique dans la partie ouest de Mandalay, un quartier populaire où de nombreuses maisons datant de la période britannique sont transformées en résidences de moines. Nous sommes passés devant la cathédrale et l'église Saint-Michel qui ne présentent pas d'intérêt majeur, avons visité sans nous y attarder, la pagode Eindawya, sommes passés devant le pont des crocodiles avant d'emprunter une vieille passerelle en teck. Nous avons assisté au coucher de soleil à la terrasse du café YMH, une "Beer Station" au bord du fleuve (un "Biergarten" façon Mandalay, la ville ayant donné son nom à l'une des grandes marques de bière birmane). L'endroit m'a fait penser un peu à Ségou en voyant le trafic fluvial et les stocks de poteries sur la rive en contrebas.

    Résidence de moines






    Vente des accessoires de base du moine (bol à offrande, éventail)

    La palette de couleurs des robes de moine ou de nonne 




    La façon locale de remettre un bateau dans le sens du depart...

Que dire de cette première plongée dans la ville de Mandalay ? C'est au-delà de ce que nous imaginions... Le trafic et le bruit sont bien supérieurs à ce que nous avions constaté à Bago. C'est infernal ! Certes, les quelques feux tricolores sont bien respectés. Pour le reste, c'est une fourmilière assourdissante et abrutissante (moteurs pétaradants, klaxons en toutes occasions). Se déplacer en vélo est sans doute osé et exige une vigilance renforcée tous azimuts, franchir un carrefour est une entreprise souvent téméraire, se déplacer revient à slalomer en permanence entre les voitures, les camions, les motos et les piétons. Entre la poussière et les rejets de gaz d'échappement des véhicules, la pollution est à un niveau inégalé, même par rapport à Yangon.


Pour autant, il est des scènes qui marquent : des gens qui jouent au... golf avec un club et une balle, en ayant cimenté en pleine ville une bordure de trottoir et aménagé un trou ! Des familles de maçons qui vivent de manière très précaires au rez-de-chaussée du bâtiment en construction pour la durée du chantier ! Une partie animée de "chinlon" appelé aussi "cane ball" en jargon anglo-birman ! (C'est un sport traditionnel birman qui se joue au pied à l’aide d’une balle de rotin tressé de 12 cm de diamètre soit en formant un cercle, soit selon un format volley ball, l'essentiel étant de tenter de garder la balle en l’air en jonglant avec le pied, étant entendu que peuvent être utilisées trente positions qui mobilisent six surfaces du pied et de la jambe ; un bon coup de pied marque « un point » et des pénalités sanctionnent le tomber de balle et l’utilisation des surfaces interdites du pied).





Nous sommes rentrés de nuit à l'hôtel, avons fait une pause salutaire, avant d'aller dîner dans un restaurant proposant une cuisine assez internationale. Nous avons réussi à faire un repas sans riz !

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