jeudi 5 février 2015

5 février 2015 : Rangoon

Nous ne sommes à Rangoon que depuis hier matin, mais tant Olivier que moi avons l'impression, ce soir, d'y être depuis plus longtemps, tellement les dernières vingt-quatre heures ont été denses et nous ont permis de découvrir un monde totalement nouveau...

Si la chambre est dépourvue de perspective, en revanche la terrasse où se tient le petit-déjeuner, a l'avantage d'offrir une vue d'ensemble sur les toits du vieux centre colonial. En direction du Sud, on distingue nettement entre les immeubles la Rangoon River et au Nord se détache la silhouette de la célèbre pagode Shwedagon que nous avons découverte en fin de journée.


Impressionnés hier par le brassage ethnique et religieux que l'on observe dans le petit peuple qui se presse dans le vieux centre historique, nous avons commencé notre périple par une visite à la  Musmeah Yeshua Synagogue (1893), située à deux pas de notre hôtel, au 85 de la 26eme rue. Toute une communauté juive s'est constituée au milieu du 19ème siècle, venant en particulier de Bagdad (!). 3000 Juifs vivaient encore dans le pays avant la Seconde Guerre mondiale. Un maire juif a même présidé aux destinées de Rangoon en 1910. La communauté ne compte plus aujourd'hui que... 20 membres. Il y eut deux vagues de départs, en 1942 lors de l'occupation japonaise et en 1962, lorsque la junte birmane procéda à une série de nationalisations des petites entreprises. On dénombraient 126 torahs autrefois, il n'en reste plus que deux actuellement. Pour autant, Israël et le Myanmar, tous deux indépendants en 1948, entretiennent de bonnes relations.


Après le calme de la synagogue, nous avons connu l'effervescence de trois marchés, situés dans la partie Nord du vieux centre. Le Thein Gyi Zei Market, à l'atmosphère désuète mais envoûtante est le plus vaste bazar de tissus et de vêtements, notamment des longyis et des sarongs à profusion, que je connaisse au monde. Derrière, s'étend un marché plus rustique encore où l'on trouve, dans des conditions d'hygiène très relatives, des échoppes essentiellement de viande, de poisson, d'épices et de colorants. Nous étions les deux seuls Occidentaux à traîner dans les allées étroites de ces deux marchés, mais nous avons pu constater, comme nous l'avions fait hier au fil de nos pérégrinations,  l'amabilité des autochtones (hommes et femmes) prompts à vous gratifier d'un sourire voire d'une ébauche de discussion si vous vous intéressez à eux.












L'atmosphère est différente dans le Bogyoke Market, le marché des bijoutiers et des artisans. Les allées sont larges, les boutiques, très propres, la présentation des articles est soignée, les touristes sont assez nombreux. Nous ne nous y sommes pas attardés, même si les cotonnades étaient proposées à des prix intéressants.

Une autre expérience nous attendait : emprunter au départ de la gare centrale, le "train circulaire de Yangon". Conçu il y a plus de 150 ans (1854) par l’anglais William Montgomerie, il couvre une boucle de 45,9 km et s'arrête à 39 stations. Les rames circulent dans les deux sens. Il faut près de trois heures pour effectuer l'ensemble du parcours. Nous n'avons fait qu'un tronçon de la ligne (9 stations soit une demie heure de trajet). Le spectacle est permanent : sur les quais des stations, oú des femmes proposent des plats cuisinés sur place, dans les wagons oú des vendeurs à la sauvette proposent boissons, nourritures ou journaux, de chaque côté des voies, où s'étale un habitat dans l'ensemble très sommaire. Le confort est très relatif évidemment, mais les banquettes en bois ont aussi leur charme.  Hélas, le train circulaire est voué à disparaître. Pour faire face à l'accroissement de la population et du trafic automobile souvent saturé dans la journée, il a été décidé de construre un métro aérien dans le style du BTS de Bangkok. Le circuit empruntera celui du train circulaire. Les deux ne pouvant cohabiter, le plus vieux laissera donc sa place au plus jeune. Une page de l'histoire de Rangoon se tournera alors...












Descendus à la station Hletaw, nous avons marché un bon kilomètre et demi, dépassant au passage une partie de l'université de Rangoon, pour aller déjeuner dans un restaurant plein de charme, situé dans un quartier résidentiel, Happy Noodles (104 B, Inya Road Kamayut Township). Au calme, dans une petite rue à l’écart de la circulation, il est spécialisé, comme son nom le laisse deviner, dans les pâtes, mais elles proviennent des quatre coins de l’Asie et du monde. Comme je l'ai lu, "les prix sont tous doux par rapport à ce que l’on a dans son assiette" et qui est souvent bien épicé !

Après une visite à un compatriote expatrié ami d'amis, nous avons repris nos visites touristiques vers 15 heures 30, en nous rendant dans une nouvelle pagode, la pagode Chauzkhtakyi (Kyauk Htat Gyi) qui abrite un des plus grands Bouddha couchés du monde (70 mètres de long). Il date de 1907. Son regard est tourné vers le Sud selon la position dite de relaxation. La plante de ses pieds porte les 108 préceptes représentant les trois mondes : 59 pour le monde inanimé (Okasaloka), 21 pour l'animé (Sattaloka), 28 pour le conditionné (Sankharaloka).






Dans la foulée, nous avons visité dans le même secteur une seconde pagode, Nga Htat Gyi où se tient  un superbe bouddha assis, immaculé, imposant lui aussi par ses dimensions et majestueux par la finesse des multiples incrustations de pierres précieuses. Il est environné de bas-reliefs en bois d'une grande finesse.




Le point d'orgue de la journée a été la découverte de la mythique pagode Shwedagon, au coucher du soleil. Nous sommes arrivés sur place vers 17 heures. "Construite il y a plus de 2500 ans pour les uns et entre le VIème et le Xème siècle pour les autres, la pagode est un haut lieu de pèlerinage bouddhiste. Unique par sa grandeur, par sa composition et par l’atmosphère qui s’en dégage, elle marque à coup sûr le voyageur, comme en témoignait déjà si bien Joseph Kessel : « Elle coiffait une haute colline située à six kilomètres de Yangon. On voyait de loin cet ensemble fantastique de coupoles étranges, de voûtes torturées et d’aiguilles géantes qui, toutes, étaient recouvertes de feuilles d’or fin. Extraordinaire cité de la foi la plus antique et la plus gracieuse. Enceinte merveilleuse ouverte à chacun… »"

De larges escaliers couverts mènent au promontoire sur lequel l'ensemble des édifices religieux a été construit. Ils sont squattés en partie par des marchands d'accessoires de prières tous plus kitschs les uns que les autres (on commence à y être habitués !). Parvenu au sommet, c'est un enchantement, même actuellement, alors que la Shwedagon elle-même disparaît derrière des toiles jaunes pour cause de restauration. On découvre une forêt de stupas aux styles variés dressant leurs flèches vers le ciel. "Leur couleur or, les grands carreaux de carrelages gris et blancs dessinant des formes géométriques, les tuiles vert-grises, le détail des bas-reliefs, les toges et les robes pourpres habillant les statues, les mosaïques de verre réfléchissants la lumière et les ombres, la tenue et la piété des visiteurs, laissent le visiteur dans un sentiment confus d’admiration et de respect". 

Le spectacle est partout et permanent, dans la richesse et la diversité des édifices, dans la variété des centaines (probablement milliers en fait) de représentations de bouddhas de toutes tailles et dans toutes les positions, dans le public qui déambule nonchalamment, effectue des dévotions et prie avec ferveur assis en tailleur, les mains jointes contre le front, dans l'insolite consistant à conserver non seulement des reliques (8 cheveux de Buddha Gautama selon la légende), mais aussi des "copies de reliques" (des dents !), à avoir installé en ces lieux des distributeurs automatiques de billets (ATM) et avoir prévu un espace en "free wifi" (modernité obligé !).













Bien que fréquenté en fin de journée par une foule nombreuse, le lieu est apaisant. On sent les gens bienveillants, simples et décontractés. On est loin de l'atmosphère de méfiance, voire d'ostracisme et d'hostilité que j'ai pu constater à l'égard des non-musulmans dans ou aux abords des mosquées. 
La nuit venue, les lieux sont encore plus magiques. On allume des milliers de bougies tout autour de la base de la Shwedagon. Olivier et moi avons participé à l'opération. C'est à la fois féerique et empreint d'une grande religiosité.





De retour à l'hôtel vers 19 heures 15, nous avons goûté un repos bien mérité avant de ressortir dîner dans le même petit restaurant qu'hier, mais sans jouer de prolongations autour d'un verre car nous étions fourbus !

3 commentaires:

  1. Depuis la lecture d'un roman se passant dans les plantations d'hévéa, j'ai toujours voulu aller un jour en Birmanie. Merci pour ce voyage virtuel !
    Lucile

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  2. Un grand merci pour ces éblouissante photos. Cela rechauffe l'âme et le corps. Profitez pleinement de ce beau voyage. Bises . Martine

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  3. magnifiques photos et commentaires;merci pour le partage

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